Friday, Juillet 15, 2022
Depuis la fin des confinements successifs du COVID-19 et depuis que le monde a repris vie, j'ai comparé la situation au Liban à celle d'autres pays. En fait, le COVID au Liban est un moindre mal par rapport à ce que nous vivons depuis près de trois ans.
Désormais, plus d'un Libanais sur deux vit sous le seuil de pauvreté.
Aujourd'hui, près de trois ans après le début de la crise économique au Liban, nous vivons avec une heure d'électricité par jour, nous manquons de médicaments, nous avons passé des mois à faire la queue devant les stations-service. Trouver une carte Internet peut parfois prendre 10 jours. Chaque jour, je perds du temps à régler des problèmes qui ne devraient pas se poser dans un pays normal, et qui concernent l'eau, l'électricité, les médicaments, la recherche de pièces détachées automobiles.
Avant l'explosion, beaucoup de choses me gênaient, notamment le fait de perdre du temps ; aujourd'hui, j'ai l'impression que plus rien ne peut m'affecter ou que rien ne vaut la peine de s'inquiéter, car sans s'y attendre, en une fraction de seconde, tout peut s'effondrer.
C'est ce qui s'est passé à Beyrouth. La ville a explosé alors que nous y étions, vivant nos vies, mais aux prises avec la crise économique, la pire depuis le 19e siècle selon la Banque mondiale.
Parfois j'ai envie de crier ou de pleurer, mais je me calme et je me dis que j'ai beaucoup de chance. Au moins, j'ai les moyens de manger, de m'occuper de ma famille, d'acheter des médicaments… et surtout, j'ai survécu à l'explosion.
Chaque jour, je vois la pauvreté, la pauvreté frappante ! Je pense aux participants de nos programmes, à toutes les personnes qui sont tombées dans la pauvreté.
Il y a ceux qui n'ont plus les moyens d'acheter du gaz pour cuisiner, qui ne peuvent plus s'abonner au groupe électrogène du quartier et vivent donc presque sans électricité. Il y a des enfants qui ne mangent deux fois par jour que des sandwichs saupoudrés de thym. Il y a des parents désespérés qui n'arrivent pas à joindre les deux bouts.
Avec la crise, les pauvres sont devenus encore plus pauvres et la classe moyenne a sombré dans la pauvreté. Parmi mes propres amis, connaissances et voisins, il y a ceux qui vivent sans groupe électrogène, ceux qui mangent rarement de la viande, ceux qui rationnent leurs achats de fruits et légumes et qui vendent leurs meubles pour payer le loyer. Cela se fait discrètement, à huis clos. Ils ne se plaignent pas, car ils ont trop de dignité et ils n'avaient jamais imaginé que la vie les ferait tomber si bas.